Mes chers Collègues et Amis, collaborateurs, partenaires et bénéficiaires de l’Association NeurodysPACA,
Comme chaque année depuis maintenant plus de 20 ans, c’est avec grand plaisir que je m’acquitte à nouveau de la tâche, au nom du Conseil d’Administration de NeurodysPACA que j’ai l’honneur de présider depuis sa création, de vous présenter mes vœux pour l’année 2024 qui débute.
Cette année, cependant, ces vœux ont pour moi une saveur toute particulière, puisqu’ils coïncident avec une étape cruciale de notre déploiement qui a vu l’extension régionale de notre réseau et conjointement l’ouverture de la PCO 7-12 ans des Bouches du Rhône confiée en 2023 par l’ARS à notre Association. En effet, notre réseau de santé couvre maintenant toute la région, des rives du Rhône jusqu’à la frontière italienne, et c’est une grande satisfaction pour nos équipes de pouvoir partager nos diverses expertises avec tous les professionnels de la Région pour le bénéfice d’une plus large population. De même, comme je l’indiquais lors de mes allocutions précédentes, l’ouverture de la PCO 7-12 ans constitue une avancée fantastique pour la solvabilité financière des familles d’enfants dys qui ont à présent accès aux mêmes expertises et à la même gratuité des soins que les familles d’enfants autistes qui en étaient les principaux bénéficiaires jusqu’ici depuis la création des PCO 0-6 ans en 2018. Notre équipe PCO est à présent pratiquement au complet et a commencé à fonctionner avec une grande efficacité sous la responsabilité d’un médecin spécialisé en troubles du neurodéveloppement. A cet égard, et puisque les PCO couvrent le territoire d’un département alors que notre réseau est de dimension régionale, il nous faudra mener une réflexion approfondie sur l’articulation du réseau Résodys avec chacune des PCO de la région, ce qui sera relativement simple pour le département du 13 puisque c’est nous- mêmes qui y sommes porteurs de la PCO 7-12, plus complexe pour les autres départements où nous allons devoir établir des conventions distinctes pour chacun (83 et 06 déjà en fonction, puis 84 et 04-05 qui sont en projet). L’enjeu est de déterminer les missions respectives des uns et des autres, sachant que réseau et PCO ont des missions très proches, avec cependant quelques différences de fonctionnement que nous expérimentons sur le 13 avant de les proposer aux autres départements.
Une question que cela soulève cependant, et sur laquelle il existe encore des débats au sein de l’association, est celle de la spécificité de la thématique des troubles d’apprentissage, alors même que la PCO est sensée recevoir tous les troubles du neurodéveloppement, y compris l’autisme et les déficits intellectuels qui étaient jusqu’ici exclus de notre champ d’intervention. Comme nous avons déjà largement eu l’occasion de l’aborder, le sujet de l’appartenance des troubles dys au cadre plus large des troubles du neurodéveloppement a déjà amené plusieurs associations gestionnaires de réseaux de santé d’autres régions à étendre officiellement leur champ d’action à l’ensemble des troubles du neurodéveloppement au point même que la Fédération des réseaux dys a changé de nom pour marquer ce virage conceptuel et nosographique. Les retours que nous avons eus de ces autres structures est qu’elles n’ont finalement pas gagné en visibilité, par rapport à des équipes déjà spécialisées dans ces domaines, comme les CMPP ou les équipes pédopsychiatriques hospitalières, et que finalement beaucoup d’entre elles soit se trouvent actuellement dans l’incertitude quant à leur pérennité, peinant à trouver leur place dans le panorama général des soins, soit se sont tournées vers des missions encore plus larges comme le handicap de l’enfant en général.
Dès lors, la question se pose à nous d’étendre les pathologies traitées par nos services au- delà des seuls troubles d’apprentissage, ce qui a déjà été largement fait avec le TDAH et sa thématique satellite des troubles dysexécutifs, qui sont à présent entrés pleinement dans notre champ d’action.
Certes les pathologies évoluent, et beaucoup d’entre nous ont remarqué très justement que la problématique de l’autisme, par exemple, se retrouve de plus en plus fréquemment abordée lors des discussions de cas de troubles sévères d’apprentissage. Ce fait peut refléter une tendance démographique reconnue du reste dans d’autres pays, comme elle pourrait découler d’une vigilance accrue et d’une meilleure connaissance des troubles autistiques parmi nos professionnels comme dans le grand public. En tout état de cause, on se doit de tenir compte de cette évolution, et les structures de NeurodysPACA ont fait évoluer leurs habitudes et leurs outils dans ce sens.
Pour autant, nous ne devons pas perdre de vue les deux brins qui constituent notre ADN : la validité scientifique des analyses et des interventions, et l’accent mis sur l’école en tant que lieu privilégié d’expression des troubles dys. A trop élargir notre champ de compétences, nous risquerions peut-être de perdre l’essence même de notre action, qui nous a permis de persister au fil des années et de vaincre les obstacles qui ont un temps menacé l’existence même de l’association.
Concernant la validé scientifique, certes des progrès ont été réalisés à l’échelle de chacune des professions concernées (peut-être moins pour ce qui est des pratiques pédagogiques au sein de l’école), de sorte que notre combat du début, alors que nous avions à lutter contre des pratiques aussi diverses qu’infondées, n’a plus lieu d’être, en tout cas plus avec la même intensité qu’il y a vingt ans. Certes nous voyons encore ici ou là apparaître de nouvelles méthodes miracles basées sur des initiatives isolées ou des intuitions louables mais peu ou pas étayées scientifiquement, comme par exemple l’utilisation de lampes stroboscopiques ou de lunettes spéciales pour « guérir » la dyslexie, mais de telles initiatives sont rapidement démenties dès lors qu’on les examine avec un minimum de rigueur scientifique (lire ici : https://www.ffdys.com/actualites/publication-de-recherche-scientifique-sur-les-lampes-et- lunettes-pour-les-dyslexiques.htm) . Concernant l’école, le problème est plus complexe, et nous entendons quotidiennement encore des familles d’enfants dys nous rapporter les difficultés qu’elles rencontrent pour convaincre les enseignants de leur enfant, ne serait-ce que d’appliquer les recommandations pédagogiques pourtant prescrites dans un PAP. Clairement, il reste encore fort à faire pour faire évoluer les mentalités dans le domaine de la continuité soins/école. Résodys, et aujourd’hui Neurodys ont toujours mis en avant ces deux principes fondamentaux de notre action, et nous continuerons à veiller à ce qu’il en soit encore ainsi. Car la tentation est grande, pour les uns ou les autres, de s’affranchir de ces principes pourtant cruciaux. Par exemple, nous assistons en ce moment à une réelle percée de méthodes dites de « guidance parentale » qui, selon une évolution qui a fait ses preuves dans d’autres champs de la médecine, deviendrait un passage obligé de toute stratégie thérapeutique des troubles cognitifs de l’enfant. Certes, il s’agit là indubitablement d’un apport crucial qui manquait à notre arsenal thérapeutique, mais dont l’efficacité propre reste difficile à évaluer.
Nous avons, à Neurodys, créé une cellule de réflexion sur l’innovation et la prévention, deux domaines qui n’entraient pas initialement dans notre cahier des charges, marquant notre volonté d’explorer résolument toutes les pistes nouvelles, et ce dans un esprit à la fois d’ouverture et de vigilance quant à leur validité scientifique. En matière d’innovation, Neurodys va donc continuer et même amplifier sa mission de veille scientifique, avec pour objectif de mettre à disposition des professionnels et du public toutes les informations sur les nouveautés et les tendances du moment. Dans le même temps, et c’est tout le sens d’y avoir associé la prévention, il nous semble indispensable de continuer à œuvrer auprès des personnels de l’Éducation nationale pour opérer si ce n’est un transfert de compétence, du moins un « transfert de motivation » pour que la condition des « élèves à besoins particuliers », dont font partie les dys, cesse d’être une préoccupation connexe de l’enseignant pour acquérir un statut de priorité des priorités dans l’exercice de son – ô combien difficile – métier.
Un mot, à présent, de notre SESSAD spécialisé DYS qui bénéficie actuellement de 20 places permettant d’accueillir potentiellement 40 enfants multi-dys sévères par an. Cette augmentation d’effectif s’est traduite par un dédoublement des équipes scindées en deux secteurs d’activités sous la responsabilité chacun d’un médecin spécialisé. Véritable laboratoire de l’intervention de terrain à l’interface entre soins et scolarisation, le SESSAD continuera donc cette année, selon sa nouvelle configuration, sa mission à la fois thérapeutique et éducative auprès des enfants ayant des profils dys complexes.
Reste un point qui préoccupe depuis longtemps le neurologue d’adultes que je suis, c’est celui de la poursuite des soins au sortir de l’adolescence, qu’il s’agisse de la continuation des interventions et des aménagements au-delà de la scolarité, ou plus largement de l’avenir socio-professionnel des personnes adultes ayant eu un parcours de dys durant leur enfance et qui se trouvent confrontés à l’absence quasi-totale de ressources disponibles dans notre région. Tout au plus peuvent-ils se tourner vers les associations de parents et d’adultes dys, à qui il faut rendre hommage eu égard aux multiples services qu’elles apportent sur le terrain, mais qui elles-mêmes se trouvent limitées dans leur action par l’absence de solutions médicales structurées. Nous proposerons cette année une vaste réflexion sur la problématique de l’adulte dys devant idéalement aboutir à la création par notre association d’une équipe de diagnostic et d’appui dévolue aux troubles dys de l’adulte.
Sur tous ces points, le Conseil d’Administration de NeurodysPACA, appuyé sur un comité scientifique aux expertises multiples, va devoir cette année prendre des positions déterminantes et fixer un nouveau cap, entre défense de nos spécificités et adaptation permanente à un contexte mouvant mais passionnant.
Pour terminer, je voudrais vous inviter à inscrire sur vos tablettes la date du 21 juin 2024 qui verra se tenir notre réunion annuelle Neurodys/CERTA, une tradition qui s’était interrompue en raison du COVID, et qui reprend donc cette année sur le thème « fonctions exécutives et troubles dys au sein des troubles du neurodéveloppement », un thème qui devrait attirer de nombreux praticiens de notre réseau et au-delà. Des intervenants de renommée internationale ont d’ores et déjà accepté de partager avec nous à cette occasion leur expérience et leur savoir (plus d’informations dans les semaines à venir sur notre site).
Il me reste à vous souhaiter à toutes et tous une excellente année 2024, remplie de projets et de réussites professionnelles et personnelles.
Michel Habib
Président du Conseil d’Administration NeurodysPACA